JDK-AS
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Didier Nebot répertorie, historiquement, cinq autres Ghriba: à Serous, à Biskra dans l’Aurès qui fut le centre de ralliement des Bahouzim, (juifs nomades), à Annaba, mais aussi à Deddou et au Kef :

‘’ A Deddou près de Taza, ancien centre de la tribu des riata, qui a autrefois professé le judaïsme existait le clan des Aaronides (Cohen). Ils possédaient un sanctuaire dont ils étaient très fiers et empêchaient les autres israélites de profaner leur temple par leur présence... Une autre Ghriba se trouvait en Tunisie, toujours au XIX siècle, au Kef, centre de ralliement des juifs nomades du Kef et du djorid. Elle était solitaire et se trouvait près d’un cimetière où les nomades juifs des douars environnants amenaient leurs morts... Donc malgré la victoire du rabbinisme qui ne faisait plus ce genre de distinction, il existait encore dans certains endroits des groupements qui poursuivaient cette religion de l’ancien temps‘’.

En définitive, la présence d’une Ghriba est liée à la présence de tribus juives, a valeur pour eux de Temple de Jérusalem, et s’accompagne de l’existence d’une caste de Cohen, comme dans la religion antique juive.

Le déclin des tribus juives, et l’arrivée des juifs d’Espagne très fortement empreints de judaïsme rabbinique va lentement faire disparaître ce judaïsme des anciens temps, apanage des tribus juives. On retrouvera toutefois encore des vestiges de ce judaïsme antique jusqu’au 20eme siècle, au Kef notamment, dont la population était quasi exclusivement d’origine juive nomade.

Ainsi, la Ghriba du Kef était le lieu chaque année d’un pèlerinage important pour tous les juifs de la région.

Ce pèlerinage du Kef figurait parmi les 6 pèlerinages officiels du judaïsme tunisien :
Djerba le 33eme jour du Omer ; Nabeul, le lendemain de la fête de chavouot ; Testour sur la tombe de Rabbi Fradji Sawatt ; Sur la tombe de Rabbi Yossef El Maaravi, au début du mois de Tevet ; Le Kef, au 15 du mois d’Av ou Tou-Beav ; Sur la tombe de Rabbi Pinhass Ouzan, le 29 du mois d’Iyar. (Voir Les Guéonim de Tunis, p.492, Kol Editions) 

Le pèlerinage officiel du Kef était fixé à la date du 15 du mois d’Av. Ceci correspond à la fête de Tou Beav, qui avait quasiment disparu depuis des siècles, mais était considérée à l’époque du temple de Jerusalem, comme l’une des célébrations importantes du calendrier juif et l’une des fêtes les plus joyeuses de l’année juive.

Recouverte de différentes significations, venant après la période de deuil allant du 17 Tamouz au 9 Av, cette fête de Tou Beav était considérée aussi comme celle de la future reconstruction du Temple de Jérusalem.

Un enseignement voulant que le Temple de Jérusalem, détruit le 9 av, soit reconstruit le mois où il a été détruit, certains décisionnaires en avaient déduit que cet évènement aurait lieu un 15 av. Il n’est donc pas étonnant que les Tribus Juives issues de l’exode consécutif à la destruction du Temple de Jérusalem aient fêté particulièrement cette date.

A ce pèlerinage s’ajoutait la célébration traditionnelle du 33eme jour de l’Omer ( Hilloula de rabbi Shimon Bar Yohaï), fêté en même temps qu’a Djerba.

Le pèlerinage du Kef donnait également lieu au sacrifice d’un veau dans la grande cour intérieure de la synagogue, tout comme le sacrifice était opéré autrefois sur le parvis du Temple de Jérusalem.

Le jour de pèlerinage, le veau destiné à être sacrifié était promené dans le Kef, recouvert de tissus colorés, et une couronne sur la tête, le cortège étant suivi par une procession et accompagné de chants, jusqu’à l’arrivée à la Ghriba.

Ceci n’est pas sans rappeler les processions des fêtes de pèlerinage à Jérusalem telles que décrites dans le Talmud, quand elles avaient lieu 2000 ans auparavant.

‘’ Ceux qui habitaient dans le voisinage de Jérusalem apportaient des figues fraîches et des raisins ; ceux qui venaient de plus loin apportaient des figues sèches et des raisins secs. Le bœuf destiné au sacrifice les précédait, les cornes garnies d’or, une couronne de branches d’olivier sur la tête ; la flûte et les chants se faisaient entendre devant eux jusqu’à ce qu’ils approchent de Jérusalem‘’. (Michna Bikourim)